[TW] Une amie a été manipulée pour consentir, est-ce une forme d’abus sexuel?

Hello ! Je m’inquiète pour une amie qui m’a confiée une histoire qui me perturbe un peu. Il y a quelques années elle était en couple avec un mec, et suite à une dispute, il décide de prendre de la distance. Quelques jours plus tard, il débarque chez elle plein de regrets, dit qu’il veut recoller les morceaux, etc. Dans l’élan, ils couchent ensemble. Mais en se rhabillant, le mec lui annonce que finalement c’est bien fini, qu’il veut plus la revoir et qu’en gros il lui avait fait son petit numéro d’amoureux transi juste pour coucher avec elle une dernière fois. Mon amie s’est sentie salie et trahie, et ils se reparlent plus depuis. Mais du coup je me demandais si ce genre de manipulation pouvait être considérée comme une forme d’abus sexuel même si techniquement les deux partenaires étaient consentants ?

Hello,

Tout d’abord, si ça ne t’ennuie pas, je voudrais juste préciser que le terme d' »abus » ou « abus sexuel », même s’il est beaucoup utilisé, peut parfois être problématique puisqu’il est très flou et ne correspond pas à une réalité juridique (il n’est pas inscrit dans la loi). En plus,les autres circonstances dans lesquelles on utilise souvent ce mot (par exemple « abus d’alcool ») font plutôt penser à un excès, genre on a « trop » fait/consommé quelque chose. Pourtant, lorsqu’on parle d’abus sexuel, on ne parle généralement pas d’un excès de rapports sexuels mais de contacts ou rapports sexuels sortant du cadre du consentement éclairé, c’est à dire d’agressions sexuelles et/ou de viols. Si je préfère ces mots là, c’est qu’il sont inscrits dans la loi, et qu’elle en prévoit une définition relativement claire, ce qui peut aider à démêler des situations où la personne n’est pas certaine que c’est ce qui lui est arrivé.

Pour resituer, donc, ce que dit la loi. Concernant les agressions sexuelles, qui sont définies dans l’article 222-22 du code pénal, il s’agit de « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ». Le viol, qui est décrit dans l’article 222-23 du code pénal, est le terme qui s’applique pour « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». Ca veut dire quoi ces quatre conditions de manière plus précise?

  • Violence : bon celui-là c’est assez clair, il s’agit de pression·s et/ou brutalités physique·s exercée·s par l’agresseur·euse sur la victime, mais il peut aussi s’agir de séquestration, par exemple.
  • Contrainte : ça peut être une pression physique ou morale, de la manipulation, une contrainte financière, une asymétrie de pouvoir et/ou d’autorité, un écart d’âge important, une emprise psychologique…
  • Menace : il peut s’agir de menaces de mort, de menaces sur les proches, mais aussi de menace de causer des torts (par exemple « si tu ne fais pas […] je diffuse cette photo de toi/je vais lancer telle rumeur/je te licencie/je vais te pourrir la vie », etc etc.
  • Surprise : alors celui-là, ça fait parfois ricaner les gen·te·s au premier abord, parce qu’ielles se disent « euh mais LOL comment ça surprise, c’est pas possible de violer par surprise?! ». Qu’est-ce que ça veut dire concrètement? eh bien ça concerne toutes les situations où la victime est incapable de consentir : coma, sommeil, état d’ébriété ou de « défonce » avancé, handicap intellectuel…

DONC, en ce qui concerne la situation que tu me racontes, il me semble que ça ne tomberait pas dans les catégories que la loi prévoit de punir. Après je ne suis pas juriste, avocate ou juge, donc mon avis n’a pas valeur de vérité absolue, et il est possible que dans certaines circonstances (en prouvant du harcèlement, une situation d’emprise psychologique au moment de la relation, peut-être?) cette situation puisse être considérée différemment… Cependant, tu dis que « les deux partenaires étaient consentants », donc a priori on n’est pas sur une situation problématique aux yeux de la loi.

Globalement je dirais que, non, mentir pour obtenir du sexe, ce n’est pas pénalement condamnable. Moralement et/ou éthiquement (du point de vue de ce qu’on considère comme acceptable/bon/bien au niveau sociétal ou individuel) après c’est autre chose : on peut parfaitement  (et assez raisonnablement d’après les éléments que tu me rapportes) considérer que ce mec s’est comporté comme le pire des connards, qu’il a trahi la confiance que lui faisait ton amie et que c’est dégueulasse. Et je ne doute pas un instant que la blessure morale qu’il lui a infligée était bien réelle. Mais la loi ne prévoit pas de punir toutes les violences qui existent, peut-être parce que certaines sont (ou semblent) trop compliquées à délimiter, à prouver, à juger…

Toi en revanche, tu peux lui venir en aide, tout simplement en étant « de son côté », présent·e pour l’écouter, l’accompagner si elle décide de chercher une asso et/ou un·e soignant·e si souhaite partager son expérience et/ou parvenir à mieux vivre avec.

Voilà voilà, j’espère que tu trouveras des bouts de trucs utiles là dedans, bon courage à toi et ton amie,

Bises

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