Hello ! Avant de lire tes réponses, je n’avais qu’une très lointaine idée de ce que pouvait être le transgenre.
Je suis donc tombé sur une de tes réponses, où pour répondre à la question « Qu’est-ce que c’est « Cis » », tu avais défini « l’inverse », le transgenre et tu avais donné ce lien.
Or, quelque chose m’interpelle. Dans l’article de ce lien on parle beaucoup de masculinité et de féminité, de se sentir plus d’un genre ou d’un autre. Et quelque part je me demande si ce besoin pour certaine personne de se définir d’une identité de genre différente de celle de leur sexe ne vient simplement pas du fait des clichés sexistes ou des comportements stéréotypés.
Je veux dire, on peut définir un individu mâle parce qu’il a un pénis et un certain caryotype et femelle parce qu’elle a un vagin et un certain caryotype (encore que, il existe des nuances comme le montre cet article :) . Le fait de dire qu’une personne de sexe masculin a un côté « féminin » n’est-ce pas prendre un raccourci pour dire que les femmes se comporteraient plutôt comme ceci, et les hommes comme cela.
Je suis un garçon et je suis hypersensible, on m’a déjà pris pour un homosexuel, on m’a déjà dit que je dois avoir un « côté féminin dominant » ou du moins, pour les comportements qui y sont en général associés. Mais le fait de définir, peut-être ce qui pourrait davantage se définir comme des traits de caractères, de « part de féminité », n’est-ce pas en quelque sorte nier la diversité de l’espèce humaine et des traits de personnalité qui peuvent être portés par l’un ou l’autre des sexes ?
Ce que je veux dire en quelque sorte, c’est : Si on oubliait tous les clichés existants sur les traits de personnalité acceptables selon si on est un homme ou une femme, n’y aurait-il pas peut-être moins de problème d’identité et de « décalage » entre le genre et le sexe ?
(PS : Je n’ai que peu de culture sur le sujet et j’essaie d’être le plus ouvert possible, peut-être que l’existence de genre différents se tient scientifiquement, mais peut-être simplement que d’utiliser le même système masculin/féminin que pour le sexe ne fait que renforcer la confusion chez des personnes chez qui la construction de l’identité peut déjà être une source de problèmes)
Hello!
Alooooooors j’ai l’impression qu’il y a pas mal de choses qui t’interrogent et t’interpellent dans les concepts de genre et de sexe, que tu as lu beaucoup d’articles sur ces sujets, appris de nouveaux mots, découvert de nouvelles idées et qu’il y a du coup des choses qui sont floues ou se mélangent peut-être. C’est du moins ce qu’il me semble en lisant ta question, du coup si tu le permets je voudrais bien faire un petit point.
Le SEXE, séparé depuis des lustres et de manière arbitraire et binaire entre homme et femme, est défini par un ensemble de caractéristiques, de l’aspect des organes génitaux et/ou reproductifs aux caractères sexués dits secondaires comme la poitrine ou la pilosité, du dosage des hormones (notamment testostérone et oestrogènes). Cette séparation physique normative et binaire (et accessoirement autoréalisatrice j’y reviendrai) est critiquable parce qu’elle exclut pas mal de personnes au premier rang desquelles les personnes intersexuées (ça concernerait une personne sur 2000, ce qui n’est pas rien!).
En France, on pratique encore quasiment systématiquement à la naissance (et donc bien évidemment sans l’avis de la personne concernée, c’est à dire celle qui vient de naître) des chirurgies d’assignation en fonction de l’aspect des organes génitaux (la plupart du temps, des médecins suppriment un pénis jugé trop petit, et « font des filles » – car c’est plus simple). En gros, et c’est là que la distinction est « autoréalistrice » : les médecins eux-mêmes ont tellement intégré cette forme de normativité qu’ils charcutent tranquillou des bébés pour les faire rentrer dans des cases de « standard garçon » ou « standard fille » sans se préoccuper de l’impact que cela pourra avoir sur leur avenir, sexuel, identitaire, etc. Ca paraît dingue et moyennageux mais ça se pratique bien en 2015. TOUT VA BIEN.
Certaines personnes naissent avec un vagin mais pas d’utérus
Certaines personnes naissent avec un pénis et un utérus
Certaines personnes naissent avec un vagin et un taux de testostérone important
Certaines personnes naissent avec un pénis et beaucoup d’oestrogènes
Certaines personnes naissent avec des chromosomes XX et un pénis
Certaines personnes naissent avec des chromosomes XY et un vagin
Globalement, toutes les combinaisons existent, on est donc très très très loin de l’idée qu’une femme c’est une personne née XX avec un vagin, un utérus, beaucoup d’œstrogène et peu de testostérone et qu’un homme c’est une personne née avec un pénis, des testicules, des chromosomes XY et des poils.
Le GENRE, beaucoup plus récent en termes de théorisation et de connaissance, il a longtemps été ‘mis dans le même sac » que le sexe. Il s’agit (en très gros) d’un ensemble d’activité, de pensées, de comportements ou de traits de personnalité que l’on associe de manière archétypale au féminin ou au masculin. L’idée a longtemps été (et continue d’être dans l’esprits de nombreuses personnes) que les femmes faisaient ce qu’elles étaient nées pour faire, il était donc « naturel » voire « inné » pour ne pas dire génétique qu’elles s’occupent des enfants et des personnes âgées, des tâches ménagères, la preuve : elles faisaient ça si bien! (Preuve scientifique s’il en est). D’autres caractéristiques supposément « féminines » : la coquetterie, le goût de l’apparat, du confort voire du luxe, l’émotion, la gentillesse, la tendresse, l’écoute, l’empathie mais aussi la fourberie, la trahison…
De leur côté les hommes, soi disant naturellement plus forts, assuraient la subsistance de la famille en travaillant, en prenant les décisions dont leurs épouses (oui je vous parle d’un temps où seuls les hétéros pouvaient se marier) étaient bien sûr jugées incapables (les femmes n’ont longtemps pas eu le statut de véritables « majeures » : pas de droit à un compte en banque, à voter…). Ils faisaient aussi les trucs considérés durs physiquement genre couper du bois ou porter euh du bois (oui bah ça va, on fait c’qu’on peut). Autres caractéristiques prêtées au « masculin » : le courage, la force, donc, la raison, le calme mais aussi la violence.
Depuis ces temps immémoriaux, on est quand même un certain nombre à avoir réalisé que c’était pas tout à fait aussi simple, et que les stéréotypes de genre pouvaient être extrêmement perturbants voire destructeurs pour toutes les personnes qui ne rentraient pas (suffisamment) dans les cases. Le lobby du DJENDEUR a entamé son travail de perversion de la jeunesse, et il est désormais à peu près admis qu’une petite fille peut aimer les voitures, une femme peut être ingénieure ou autrice et qu’un petit garçon peut vouloir se déguiser en princesse, qu’un homme peut être infirmier ou père au foyer. On étudie et comprend de mieux en mieux comment les clichés sont transmis et on essaye de faire en sorte d’ouvrir le champ des possibles pour chacun⋅e. Et c’est COOL.
(Cet article sur pourquoi on aime les personnage féminins « badass »est intéressant)
Ne crions pas victoire trop vite cependant : la résistance à l’éducation égalitaire est extrêmement virulente, on a pu le voir quand le gouvernement à évoqué la possibilité d’enseigner un « ABCD de l’égalité » et s’est vu accuser de… donner des cours de masturbation en maternelle. Oui oui.
[Rappel] l’orientation sexuelle n’a rien à voir avec le genre ni le sexe : on peut être intersexe ou femme cis ou homme trans ou femme trans ou homme cis et se définir comme hétéro ou homo ou bi⋅e ou pansexuel⋅le ou asexuel⋅le.
Pour en revenir à ta question, « Si on oubliait tous les clichés existants sur les traits de personnalité acceptables selon si on est un homme ou une femme, n’y aurait-il pas peut-être moins de problème d’identité et de « décalage » entre le genre et le sexe ? »
OUI, si on oubliait tous les clichés existants, beaucoup de choses seraient bien plus simples, c’est évident. Mais cette hypothèse n’étant pas du tout à l’ordre du jour (à moins d’effacer la mémoire de 7 milliards d’humains et toute leurs ressources historiques et culturelles), je ne suis pas sûre qu’il soit pertinent (ou utile) de se perdre en suppositions sur l’effet que cette disparition des stéréotypes de genre (et des discriminations qui y sont attachées, soyons folles) sur la transidentité, par exemple. Il me semble plus intéressant de s’ancrer dans la réalité actuelle, de faire le constat des inégalités de traitement et de s’y attaquer en espérant, un jour, les voir réduites jusqu’à disparaitre. On peut rêver, on doit rêver, même, mais attention à ne pas le faire au détriment du présent.
J’espère ne pas avoir dit trop de bêtises et que ma réponse te parlera.
Bisous
Cette réponse existe grâce au soutien de @slaurenes sur Tipeee. Merci beaucoup!