Bonjour Diane,
Une question me taraude depuis quelques jours. J’ai découvert récemment toutes les facettes possible de la sexualité qui ne sont pas vraiment mises en avant hormis les « basiques » hétérosexuel ou homosexuel, tel que l’asexualité, les demisexuel etc. Mais je me demandais du coup, puisqu’on peut être amoureux de quelqu’un sans ressentir de désir physique pour cette personne (alors que je définissais naïvement l’amour comme une sorte d’amitié avec un désir physique pour la personne en plus et… Une sorte d’alchimie spéciale), où se trouve alors la « barrière » entre l’amour et l’amitié ? Je suis un peu perdue.
Ton site est vraiment une très bonne idée et pour t’avoir vue parfois sur les live de Culpouhiou, je voulais te dire que tu parles très bien de ces choses là.
Bonne journée,
M.
Bonjour M. (j’ai enlevé ton prénom pour être sûre de respecter l’anonymat ;) ),
Merci déjà, pour les compliments et parce que c’est une excellente question, vraiment, qui me pousse à me creuser la tête puisqu’on est presque dans le domaine de la philosophie lorsqu’on se demande ce qu’est l’amour…
Alors amour, amitié, désir sexuel ou pas… Tout ça paraît simple au premier abord, puisque les normes qu’on nous inculque et que l’on voit représentées dans les films, livres, séries, publicités etc présentent des limites qui semblent claires. En gros, on distingue le plus souvent l’amour romantique (de préférence hétéro et monogame) de l’amour amical ou de l’amour familial. Dans cette vision classique, on associe systématiquement amour romantique et attirance sexuelle; et à l’inverse, l’amitié se caractérise par une absence de désir charnel. D’ailleurs, en raison de l’hétérocentrisme de notre société, on considère souvent comme « logique » ou « normal » de lier des amitiés avec des personnes du même sexe/genre et des relations amoureuses avec des personnes d’un autre sexe/genre; et de nombreuses personnes pensent que l’amitié femmes-hommes ne peut pas exister, qu’il y aura forcément un⋅e des deux qui tombera amoureux⋅se ou sera attiré⋅e par l’autre, ce qui détruirait forcément l’amitié.
Seulement voilà, dans la vraie vie, les choses ne sont pas aussi simples, et les relations sont beaucoup plus diversifiées que ça (et non, tout le monde n’est pas hétéro, accessoirement ^^).
Certaines personnes ressentent une attirance physique pour un⋅e ou plusieurs de leurs ami⋅e⋅s, ou deviennent amies avec des personnes avec qui elles font du sexe. On peut appeler ça « sexfriends » par exemple, et c’est un type de rapports qui sort de la conception classique du couple puisqu’il n’est pas question d’amour romantique ici, juste de passer du bon temps et de s’amuser ensemble. Parfois, les gen⋅te⋅s ont des « sexfriends » avec qui ielles ont une forme d’exclusivité (ielles ne couchent pas avec d’autres personnes) mais ce n’est pas forcément la règle. L’avantage que l’on peut trouver à cette forme de relation est le côté « sans prise de tête », puisqu’elle ne semble pas impliquer pas les mêmes choses qu’un couple classique en termes d’engagements, de projets et de responsabilités…
Pour autant, il peut arriver qu’un⋅e des « sexfriends » tombe amoureux⋅se, qu’ielle ait envie que la relation se transforme (se voir plus souvent / ne plus voir d’autres personnes / faire plus de sorties et/ou de projets ensemble / se présenter les ami⋅e⋅s et/ou la famille…). Cela peut compliquer les choses ou pas, en fonction des envies de l’autre personne impliquée et de la qualité de la communication : tant qu’on arrive à se parler avec attention et bienveillance, on peut faire face à toutes les situations!
Par ailleurs, les relations amoureuses au sens de l’amour romantique n’impliquent pas toutes et toujours une attirance et/ou des rapports sexuels. Déjà parce que certaines personnes ne ressentent pas ou peu l’envie d’avoir des relations sexuelles (on parlera alors d’asexualité, de greysexualité ou de demisexualité) quelles que soient les circonstances. Pour elles, le fait d’être amoureux⋅se n’a pas forcément de rapport avec le fait d’être excité⋅e et ces personnes peuvent nouer des relations intimes très fortes sentimentalement sans avoir de rapports sexuels.
D’autres personnes peuvent, plus ou moins temporairement, connaître une baisse voire une disparition de leur libido pour différentes raisons : changement hormonal (ménopause, grossesse, prise d’une contraception hormonale, prise de traitements hormonaux de substitution ou non), prise d’un médicament (certains antidépresseurs ou thymorégulateurs sont connus pour faire chuter le désir), lassitude, soucis de santé/de travail/de famille/d’ami⋅e⋅s/de fric/de logement, accouchement, conflit au sein de la relation, baisse de l’estime de soi… Il y a mille et une raisons qui peuvent faire qu’on a moins ou plus du tout envie de son/sa/ses partenaire⋅s sur le plan sexuel. Là encore, tant que les personnes arrivent à en discuter et peuvent trouver un mode de fonctionnement qui leur convient, ça n’est pas forcément un problème.
Alors, si on peut coucher avec ses ami⋅e⋅s, si on peut être ami⋅e avec les personnes avec qui on couche, si on peut être amoureux⋅se sans coucher ensemble, où se situent les barrières entre amour et amitié? Eh bien il n’est pas si sûr que ces barrières existent de manière fixe et rigide comme on pourrait le penser.
Il me semble que cette distinction nette entre amour et amitié est avant tout une construction sociale, une conséquence de l’image du couple et/ou de l’amour « romantique » qu’on nous enseigne. La preuve, c’est qu’il y a plein de personnes qui fonctionnent de plein d’autres manières, des sexfriends aux couples asexuels en passant par les amitiés amoureuses et toutes les variantes imaginables qui peuvent être amenées à évoluer au fil des années. Une relation qui a commencé comme une amitié platonique peut se transformer en amitié « avec bénéfices » (avec du sexe, quoi) voire en relation amoureuse, et pourquoi pas, après un temps, redevenir platonique. Et une relation amoureuse et/ou sexuelle à la base peut donner naissance à une très belle amitié.
La différence que l’on opère généralement entre amour et amitié tient dans la durabilité et/ou la fiabilité. C’est pour ça qu’il existe des expressions pour impliquer qu’on devrait toujours faire passer les ami⋅e⋅s en priorité par rapport aux petit⋅e⋅s ami⋅e⋅s. En effet, le désir sexuel, comme le sentiment amoureux, peuvent être vus comme plus transitoires éphémères ou fragiles que l’amour amical ou familial qu’on suppose absolus, inconditionnels et intemporels. Pourtant, des amitiés qui se fatiguent ou de terminent, il y en a, et ça peut faire beaucoup de peine, mais on ne parle pas de « rupture » ni de coeur brisé. Et des relations amoureuses qui persistent dans le temps, il y en a aussi!
Au final, les mots que l’on choisit pour définir les relations qui nous lient avec d’autres personnes peuvent différer d’une personne à l’autre et changer au fil du temps. Quand je parle d’un⋅e ami⋅e, cela ne signifie peut-être pas la même chose que pour toi, ou même que pour moi il y a 5 ans. L’important en fin de compte, c’est de s’assurer qu’on a bien les mêmes envies et attentes concernant la relation que la ou les autre⋅s personne⋅s impliquée⋅s! Qu’il s’agisse d’amour « romantique », d’amitié, ou de tout autre nom qu’on veut donner à une relation, on peut y rechercher des choses similaires ou entièrement différentes : quelqu’un⋅e sur qui compter en cas de coup dur, quelqu’un⋅e avec qui faire un enfant et/ou fonder une famille , quelqu’un⋅e qui nous fait rire, quelqu’un⋅e avec qui on aime faire la fête, quelqu’un⋅e avec qui on partage une passion/une activité, quelqu’un⋅e avec qui on aime faire du sexe… Mais il n’est pas si simple (ni si souhaitable?) de trouver toutes ces caractéristiques en une seule personne, et je crois que c’est ok de trouver différentes choses chez différentes personnes, qu’on nomme ça amour ou amitié ou autre chose…
Voilà, je ne sais pas si ça t’aidera mais je l’espère :)
Bisettes
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