Je ne suis pas jaloux, mes partenaires pensent que je ne les aime pas suffisamment

Bonjour Diane,
Je te remercie pour ce concept vraiment top de gougle du cul.
Alors voilà, je suis un mec qui n’est pas jaloux et cela pose parfois (pour ne pas dire systématiquement) problème au point de provoquer une rupture: mes copains/copines pensent que je ne les aime pas suffisamment, ce qui n’est évidement pas le cas. J’estime simplement qu’aimer quelqu’un/e ce n’est pas l’étouffer et qu’il/le a le droit de mener sa vie comme bon lui semble. Je n’arrive pas à le faire comprendre, comment puis-je faire?
Merci de prendre le temps pour nous éclairer, c’est génial!

Bonjour bonjour,

(Déjà merci à toi ça fait plaisir de voir que ça sert peut-être un peu à quelques personnes je suis ravie)

Bon, effectivement, ce n’est pas toujours facile de réussir à détricoter les idées reçues et les schémas qu’on nous enseigne autour de l’amour et/ou du couple. Il faut dire que les normes sociétales et culturelles ont la particularité d’être apprises dès le plus jeune âge et surtout d’être un peu des injonctions ninja puisqu’elles sont le plus souvent implicites. Par exemple, il est rare qu’on dise à quelqu’un⋅e : tu DOIS te marier avec une personne du « sexe/genre opposé » mais de la même classe sociale et n’avoir des relations sexuelles qu’avec cette personne, de préférence dans le but de vous reproduire. Mais la représentation ULTRAmajoritaire de l’amour et/ou du couple, des contes de fées aux films en passant par les publicités, les livres, les chansons etc c’est celle là : un couple hétérosexuel monogame/exclusif sexuellement et sentimentalement (pour ce qui concerne le sentiment amoureux en tout cas) de personnes cisgenres (et blanches le plus souvent, et valides…). Forcément, en n’ayant qu’un seul « modèle » qui nous est présenté depuis toujours, c’est compliqué de s’en détacher.

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Or, dans le modèle dominant, l’amour (au sens romantique, c’est à dire pas l’amour amical ou familial) est présenté comme forcément lié au couple et même plus précisément à une certaine forme de couple. Si on aime une personne (et une seule, hein, attention! et pis pas une personne du même sexe et/ou genre, non non!) on DOIT vouloir vivre avec elle, faire du sexe avec elle (et avec personne d’autre, faisez gaffe!), partager un maximum de temps avec elle… Ce que l’on valorise en réalité c’est une sorte d’amour fusionnel, exclusif voire excluant, qui ne laisse pas beaucoup de place pour imaginer une ou des relations différentes, qu’elles soient amoureuses et/ou amicales et/ou sexuelles et/ou intellectuelles…

Dans cette logique, on a tendance à associer la jalousie à l’amour car on se dit que si on est jaloux⋅se cela signifie que l’on tient à la personne. Mais si on y réfléchit vraiment, la jalousie ce n’est pas le souci de l’autre, c’est le souci de soi-même. Le mécanisme, en gros, part d’un manque de confiance en SOI (ex: JE suis pas assez belleau/drôle/cool/sexy/intelligent⋅e/sympa/insère ici le⋅s complexe⋅s de ton choix) mais prend la forme d’un manque de confiance en l’autre (IELLE va être tenté⋅e s’ielle rencontre quelqu’un⋅e d’autre qui serait « mieux » et ielle me quittera/ne m’aimera plus/va se rendre compte que je suis pas assez bien/insère ici un scénario catastrophe de ton choix).

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Il y a plusieurs choses qui peuvent sembler un peu bizarres dans ce raisonnement. Déjà, si on n’est « pas assez bien » (quelle⋅s que soi⋅en⋅t la/les caractéristique⋅s dont on pense manquer), alors pourquoi la personne est-elle avec nous? Elle serait juste en train d’attendre qu’une personne « mieux » croise son chemin? Drôle de conception d’une relation… Et puis qui a dit qu’être en couple empêchait de faire des rencontres? A moins d’être en isolation totale dans une bulle stérile, on est tou⋅te⋅s amené⋅e⋅s à croiser des personnes tous les jours! Qui a dit qu’être en couple protégeait d’une rupture non choisie, d’une tromperie, d’être blessé⋅e? Personne évidemment, puisque ce n’est évidemment pas le cas. Qu’on soit en couple exclusif ou pas, la confiance et la communication sont deux des trucs les plus importants, et la jalousie c’est juste l’inverse.

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Ça ne veut pas dire que les gen⋅te⋅s qui ressentent de la jalousie sont des abruti⋅e⋅s ou des méchant⋅e⋅s, hein, pas du tout. Ielles préféreraient sans doute ne pas avoir à subir ça, parce que franchement la jalousie n’est pas une émotion agréable. Mais elle peut être présente. La question après c’est : comment on gère ça. Est-ce qu’on part du principe que la jalousie est légitime, et on rentre dans une attitude possessive vis à vis de la personne à laquelle on tient et qu’on a peur de perdre? Dans ce cas, où pose-t-on les limites : est-ce qu’on s’autorise à questionner la personne, à fouiller ses affaires, à la suivre (dans la rue ou sur les réseaux sociaux…) pour vérifier chacun de ses faits et gestes? Ou (spoiler, c’est ce que je pense qu’il est plus utile de faire si on veut avancer ensemble dans une relation saine) est-ce qu’on essaye de réfléchir à pourquoi on est jaloux⋅se et d’en parler avec la personne qu’on aime et/ou avec qui on est en couple pour voir comment on peut limiter ça

[Edit à la suite d’un commentaire sur mon Facebook perso] une jalousie importante, maladive, envahissante, peut parfois être liée à des problèmes et une souffrance psychiques comme dans le cas de certaines personnes neuroatypiques et/ou concernées par le trouble de la personnalité borderline. Dans ces cas, le fait d’être suivi⋅e par un⋅e psy et/ou d’avoir un traitement peut aider à faire diminuer les angoisses et leurs manifestations.

En revanche, si je ne jette pas la pierre à celleux qui sont jaloux⋅ses, c’est à dire qui font l’expérience de ce sentiment, on peut se poser des questions quant aux personnes qui, pour tenter de ne pas ressentir cette peur, se mettent à enfermer l’autre, à le/la traquer etc. Là on est sur des relations qui peuvent devenir abusives voire maltraitantes et c’est pas cool ni acceptable. NON, la jalousie n’est pas une preuve d’amour!

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Pourtant, par je ne sais quel cheminement mystérieux, la jalousie est perçue par certain⋅e⋅s comme une « preuve d’amour », comme si l’amour ce n’était que la peur de perdre l’autre et la méfiance à son égard!? Chelou, quand on le formule comme ça, non? Sans compter que pour la personne ainsi « soupçonnée » ce n’est pas forcément agréable d’être dans cette position, surtout si elle a l’impression de faire déjà beaucoup de choses pour assurer la personne jalouse de ses sentiments et de son engagement. Si tu te décarcasses comme un⋅e dingue pour montrer à une personne que tu l’aimes/tiens à elle et qu’en face tu as des réactions de doute, de méfiance, de jalousie, ça peut être assez mal vécu… Peut-être que tu peux essayer d’inviter tes petit⋅e⋅s ami⋅e⋅s à se mettre à ta place et à réfléchir à ça si tu penses que c’est une discussion possible? Tu peux aussi leur dire que tu as suffisamment confiance (en toi, en elleux, en votre relation, en vos sentiments) pour ne pas ressentir ça, tout simplement!

Enfin bref, c’est une lonnngue réponse, je ne sais pas si tu y trouveras des éléments qui pourront t’aider, sinon je te conseille deux lectures sur le sujet (amour/couple/monogamie, etc) c’est « Philosopher ou faire l’amour » de Ruwen Ogien, de la philo mais franchement facile et agréable, et « Les sentiments du Prince Charles », de Liv Strömquist, une BD géniale qui questionne toutes ces normes! :)

Bisettes à lunettes,

Cette réponse existe grâce au soutien de @_guema_ sur Tipeee. Merci beaucoup!

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