[TW] J’ai revu le garçon à qui j’avais dit non, je n’arrête pas de pleurer et je ne veux pas le rendre triste.

(Suite de cette question)
Ensuite il s’est passé que un jour j’ai dit qu’on couchait pas ensemble parce que j’avais un peu mal au sexe. Il a dit oui, mais à un moment on s’est chauffé quand même. J’ai vu qu’il voulait qu’on couche ensemble, j’ai dit non. Il a été mettre une capote quand même, j’ai trouvé ça dingue. Mais j’ai pas re dit non et il l’a fait quand même. J’avais mal et pendant un moment j’ai rien dit mais j’ai eu vraiment très mal alors je l’ai poussé. Depuis, en plus d’être abimée à l’intérieur, je me sens mal. Je suis morose et je pleure tout le temps pour rien. Lui ne comprend pas bien. Il demande si je peux quand même lui faire des pipes ou le branler si on ne couche plus ensemble. Quand je lui en parle j’ai l’impression de l’accuser d’avoir fait un truc qu’il n’a pas fait. J’ai l’impression de vouloir me faire passer pour une victime.
Je l’ai revu il y a peu de temps. Une fois on a couché ensemble. J’avais toujours mal. Je trouvais ça humiliant de recoucher avec lui après qu’il m’ait fait ça. Ca m’a excité d’être humiliée. J’ai culpabilisé d’être excitée. Quand il a finit j’avais envie de pleurer.
Qu’est-ce que je dois faire de ça ? Comment est-ce que ça s’arrête ? Comment on fait pour que ça aille mieux ?
 
J’ai peur de toujours rester comme ça. De ne plus pouvoir avoir de vie sexuelle un peu épanouie quand j’aurais rencontré quelqu’un de bien. Je ne sais même pas si j’ai déjà eu une vie sexuelle un peu épanouie en vrai.
Merci d’avoir lu en tout cas. J’espère que tu auras peut-être une réponse à me proposer.
(Mail reçu quelques temps après)
 
Il s’est passé une chose hier, j’ai revu ce gars et au final on a couché ensemble j’étais d’accord cette fois, mais quand il a fini j’étais toute raide et je n’arrivais pas à m’arrêter de pleurer et quand j’ai ouvert mes yeux j’ai eu une grosse bouffée de peur et je suis partie en courant je n’ai pas réussi à m’arrêter de pleurer pendant une heure avec les doigts crispés.
Je ne sais pas quoi faire maintenant.
Il n’a rien compris, il était triste, je suis triste de l’avoir rendu triste, il a dit qu’il avait des sentiments pour moi, je ne veux pas rendre des gens tristes.

 

Bonjour,
Alors pour commencer, je voudrais te dire que ce qu’il t’est arrivé n’est absolument pas de ta faute. Vraiment. Mais genre pas du tout, pas même un petit peu.
En ce qui concerne le premier épisode que tu relates, TU LUI AS DIT NON. Tu me précises que tu n’as pas « pas re dit non », mais tu n’avais pas à le (RE)faire! Premièrement parce que tu avais DÉJÀ dit non et qu’on n’a pas besoin de le dire 50 fois pour que ce soit tout à fait clair : NON C’EST NON; et puis parce que l’absence de non ne vaut pas un oui.

 

Il n’avait pas à aller enfiler une capote après que tu as dit non. Et n’aurait certainement pas du aller plus loin. Ce que tu me décris peut très clairement être considéré comme un viol d’un point de vue juridique, puisque cela concerne « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise » (article 222-23 du Code Pénal). Je ne veux pas du tout t’obliger à mettre ce mot sur ce qui s’est passé, mais quand tu dis que tu as l’impression de l’accuser de quelque chose qu’il n’a pas fait, de te faire passer pour une victime, sache que ce sont des sentiments extrêmement fréquents chez les personnes qui ont vécu des choses similaires.

 

Elles pensent souvent que leur ressenti n’est pas légitime, que leur agresseur⋅euse ne voulait pas leur faire du mal, qu’elles « exagèrent »… Ces idées sont parfois renforcées par le fait que l’agresseur⋅euse se comporte comme si de rien n’était, comme si ignorer le « non » d’une personne ce n’était pas si grave, finalement.Pourtant, dans ce que tu racontes après, le sentiment de douleur, de peur, d’être « abîmée », les larmes incontrôlables et la morosité envahissante, il y a clairement le signe qu’il t’est arrivé quelque chose qui t’a fait du mal, vraiment.

 

Autre point que l’on retrouve très fréquemment dans les propos de personnes ayant traversé des situations comme celle que tu décris, c’est une forme de culpabilité, l’impression de ne pas avoir assez « résisté », de ne pas avoir « bien » réagi après…Tu t’en veux d’avoir revu ce garçon, mais chacun·e gère ce qui lui arrive comme ielle peut, tu sais, il n’y a pas une manière standard de se comporter avec la personne qui nous a agressé·e, pas une « bonne » façon de se comporter quand on se sent aussi mal et qu’en face la personne agit comme si rien ne s’était passé, on peut douter (est-ce que c’est vraiment arrivé ou est-ce que je me fais des films?) et parfois on essaye de résoudre la situation, par exemple en ayant un rapport avec la personne, pour « vérifier » comment on se sent… Le fait que tu aies ressenti de l’excitation en même temps que l’humiliation montre peut-être que ton cerveau et/ou ton corps ne sait/savent pas comment gérer les interactions avec ce mec après ce qu’il t’a fait. Ça ne te rend pas coupable (non, même pas un peu), et ça n’efface certainement pas ce qu’il t’a fait.

 

Concernant le fait que tu aies de la peine pour cette personne, qui se comporte comme si elle ne comprenait pas ce qu’il t’arrivait bien que tu lui en aie parlé, je comprends que tu ne veuilles pas le « rendre triste », et c’est tout à ton honneur d’avoir cette prévenance, mais ça n’est pas ton problème. En fait ça a arrêté d’être ton problème au moment où tu as dit non et qu’il est allé mettre une capote. Tu n’es pas responsable de ses actes, et tu as le droit de lui en vouloir, le droit d’être triste, le droit d’être en colère, le droit d’avoir peur…

En dehors de la décision de porter plainte ou non, qui appartient à chacun·e, il est essentiel, pour commencer à se sentir mieux, de pouvoir parler de ce qui est arrivé. On peut contacter le numéro vert pour mettre fin aux violences faites au femmes mis en place par le gouvernement au 3919 (de 9h à 22h) ou le collectif féministe contre le viol au 0 800 05 95 95 (attention si on est travailleuse du sexe, voilée ou trans, l’accueil dans cette dernière pourrait laisser à désirer). On y trouve des écoutant⋅e⋅s formé⋅e⋅s pour accueillir et orienter les personnes ayant subi des violences sexuelles, à qui on pourra exposer ce qui est arrivé, ses ressentis, et éventuellement ses craintes et son malaise.

Il existe aussi ce site, pour lequel on peut témoigner en écrivant à tanpmp@gmail.com, et sur lequel on trouve d’autres témoignages qui peuvent aussi aiderSur le blog Philomèle, il y a une liste de psy (majoritairement parisienne) formé⋅e⋅s au psychotrauma. Ces ressources peuvent permettre de s’orienter vers des personnes qui pourront aider à aller mieux, que cela passe par un suivi psy, par un groupe de parole ou encore par le dépôt d’une plainte (ou les trois, il n’y a pas de règle, chaque victime/survivante gère à sa façon, il n’y a pas une formule qui marche pour tout le monde, même si globalement, en parler c’est souvent très bénéfique). Il n’y a rien qu’on « doive » faire, mais ces contacts peuvent aider, accompagner quelles que soient les décisions qu’on va prendre dans les semaines, les mois, les années à venir.

J’espère sincèrement que ces contacts pourront t’aider à te sentir mieux et à retrouver une vie (sexuelle mais pas que) où tu te sentes bien.

Je t’embrasse fort.

Cette réponse existe grâce au soutien de @elleka10 sur Tipeee. Merci beaucoup!

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